Les bières à étiquette, la grande supercherie ?
Une bière brassée avec savoir se déguste avec sagesse. Certes. Mais encore faut-il connaître l’origine de ce savoir-faire. Zoom sur un phénomène qui prend de l’ampleur en Belgique. Attention au piège !
Elles s’appellent Cuvée Arsène Lupin, Grappe d’Hoeilaert ou Franche de Couvin… Vous pensiez avoir découvert une petite production locale ou régionale à tester et pourtant, ces trois bières sont issues de la même brasserie et parfois, de la même cuve. Seule l’étiquette à changé !
Au départ, les bières à façon
De nombreuses brasseries proposent de produire une bière sous un autre nom et avec une recette originale. L’intérêt est souvent financier, comme le précise Pierre Delcoigne, directeur de la Brasserie des Légendes : « Certaines brasseries sont conçues dans le but de ne produire que des bières à façon (des bières brassées d'après une recette originale dans une brasserie et commercialisée par une autre entreprise, NDLR.). Nous, c’est plutôt par opportunité commerciale. On réalise 80 % de notre chiffre d’affaires avec nos marques. Les bières à façon représentent 20 % et permettent de faire tourner nos installations et d’avoir un matériel plus performant. »
Ce phénomène répond aux nombreuses initiatives personnelles. Cela peut être un chocolatier qui décide d’ajouter une bière à sa gamme ou un amateur désireux de lancer sa bière. Les bières à façon proposent de nouvelles recettes et d’autres histoires. « Souvent, ce type de clients arrivent avec leurs idées et leurs recettes, notre rôle est de les accompagner dans leurs projets. Parfois, on crée la recette de toutes pièces. J’ai un exemple avec Oxfam Belgique, ils voulaient créer des bières avec des produits issus de pays en voie de développement, comme du Riz Jasmin, du Quinoa et du Manioc. Dans ce cas-ci, on a développé les recettes avec eux. » Les bières à façon ne font qu’élargir l’offre et peuvent apporter de réelles nouveautés, même si elles sont souvent éphémères.
Montre-moi ton étiquette, je te dirai qui tu es
Mais, dans ce contexte, une branche plus pernicieuse est apparue : les bières « à étiquette ». Grâce à celles-ci, les ventes augmentent et le produit devient unique. Unique, oui, mais seulement au niveau de l’emballage. Parce que, bien souvent, ces bières sont similaires aux bières classiques de la brasserie. Une bière « à étiquette » est donc une marque unique, mais avec exactement la même recette qu’une bière déjà existante. Évidemment, lorsque l’on achète des bières à une association ou un mouvement de jeunesse, on sait qu’une partie des coûts est pour le bien de l’action. Malheureusement, le commanditaire de ce type de produit se fait parfois passer pour le producteur.
Il existe encore une variante plus critiquable : lorsqu’une brasserie décide d’elle-même de modifier son packaging pour atteindre d’autres marchés. Imaginez, une petite brasserie de la région liégeoise qui produit une gamme de cinq bières qui se vendent bien autour de la Cité ardente. Cette même brasserie décide de créer une bière « La Butte du Lion » et de la commercialiser dans les commerces du Brabant wallon, alors que la recette est identique à la bière liégeoise.
Vu l’attrait touristique du lieu, il en profite pour augmenter le prix du breuvage. Résultat : le consommateur est lésé et l’intérêt géographique du produit se perd. Jean-Louis Van de Perre, président des brasseurs belges : « Les bières à étiquette sont une branche des bières à façon. Dans ce cas, il faut être clair, le consommateur doit avoir accès à une information correcte. Il ne faut pas jouer sur les malentendus avec le nom et le lieu de production. Je rappelle que sur base des règles européennes, le lieu de production doit être mentionné sur la bouteille. » Il est évident que toutes ces astuces sont avant tout des outils de commercialisation. Comment éviter de tomber dans le piège ? En lisant les contre-étiquettes !
6 avril 2021, l'articles de presse rassemblés et relayés par Patrice LEVANNIER
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