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Histoire de la bière

Histoire de la bière, une boisson estivale qui se fait mousser

Blanche, blonde, ambrée… La canicule arrive et vous êtes tentés de déguster une petite mousse bien fraîche en terrasse ? L’occasion de se demander comment la bière est parvenue jusqu’à nous et pourquoi elle est devenue la boisson vedette de l’été.

Composée de seulement quatre ingrédients : le houblon, les levures, le malt et surtout l’eau, la notoriété de la bière ne date pas d’hier. En bouteille, canette ou encore en pression… Qu'importe le flacon, pourvu que nous ayons l'ivresse de l'histoire. Et quelle histoire ! Comment la bière a-t-elle réussi à traverser des millénaires pour parvenir encore aujourd'hui, jusque dans nos verres ? Hydrate-t-elle vraiment ? Alors que se profile la canicule et ses terrasses bondées en ville, revenons sur l'histoire d'une boisson qui s'est rendue incontournable l'été.

Aux origines de la bière

L’origine de la bière est intimement liée à l’invention de l’agriculture. De l’orge à l’épeautre, en passant par le riz ou le maïs, c’est grâce à la culture du grain que l’homme a inventé cette boisson alcoolisée. Si sa datation reste difficile à établir, la première bière est sans doute née au Proche-Orient, dans le Croissant fertile au cours de la période néolithique. Mais c’est au VIIe millénaire avant notre ère, sur le site archéologique de Jiahu en Chine, que l’on a trouvé grâce à des analyses de jarres, la toute première trace d’une bière à base de riz. (Ian Spencer Hornsey, A History of Beer and Brewing, Royal Society of Chemistry).

La néolithisation, qui s’étend sur plusieurs millénaires, est marquée par de grandes mutations techniques et sociales. C’est à cette époque que l’homme a opté pour un modèle de subsistance reposant sur l’agriculture et l’élevage. Car nos ancêtres se sont rapidement aperçus que, lors de la germination des céréales, avait lieu une curieuse transformation. Celle-ci survient grâce aux diastases, des substances contenues dans le grain qui transforment l’amidon en sucre, permettant ainsi d’obtenir du malt, ce grain grillé et sucré. Il fallait ensuite le concasser et le réduire en farine avec de l’eau chaude... C'est ainsi qu'est née la bière ! Dès l’époque néolithique, on trouvait déjà des brasseries en Mésopotamie et en Égypte.

Gravure d'Osiris

© Getty


Diodore de Sicile, historien et contemporain de Jules César, écrivait dès le Iᵉʳ siècle avant Jésus-Christ que dans les régions où le sol ne permettait pas la culture de la vigne, Osiris avait enseigné la préparation d'une boisson tirée de l'orge et qui n'était en rien inférieure au vin. Vous l’avez deviné, il s’agissait bien sûr de la bière. Car la culture massive d’orge en Égypte a permis d’implanter les tavernes jusque dans les palais. Et la reine elle-même recevait pas moins de six cruches de ce breuvage par jour !

Ils sont fout ces Gaulois !

En Europe continentale, la civilisation gréco-romaine privilégie pour sa part le vin, nectar divin, au détriment de la bière, reléguée au rang de boisson des barbares nordiques et celtes. Mais quel goût avait la bière antique ? Sa recette était-elle très éloignée de celle de notre bière contemporaine ?


Il est difficile de connaître la saveur d’une bière antique, en particulier parce que les peuples gaulois n'ont pas laissé d'écrits pour transmettre leur savoir-faire. On sait en revanche que des plantes comme la jusquiame permettaient d’infuser la bière et jouaient également un rôle dans sa conservation. Mais à l’inverse de notre bière contemporaine, la bière antique n'était pas parfumée au houblon. Cette plante, déjà connue dans l'Antiquité, était bien trop rare pour qu'elle soit utilisée à cet effet. Les Gaulois vont plutôt instituer le grain d’orge dans la fabrication de leur bière. C’est le temps de la cervoise.

"Le vin est une boisson exotique pour les Gaulois, car ils sont d'abord des buveurs et des fabricants de bières. C'est un peuple de brasseurs." Fanette Laubenheimer

C’est en 1867, lors des fouilles du nouvel Hôtel-Dieu à Paris, que les archéologues ont découvert une gourde gauloise de terre cuite datant du IVe siècle (Journal de fouilles, Théodore Vacquer). Entre les deux anses qui composent le précieux récipient, on pouvait lire l’inscription "Ospita reple lagona cervesa", autrement dit : "Hôtesse, remplis mon vase de cervoise !". Preuve que la bière tenait une place prépondérante dans la culture de ce peuple.

Fanette Laubenheimer archéologue, directrice de recherche émérite au CNRS et invitée du Cours de l'histoire sur France Culture, nous rappelle que les Gaulois avaient un rapport un peu différent au vin. Les auteurs antiques rapportent en effet que les Romains et les Grecs buvaient le vin coupé avec de l'eau. Lorsque les Gaulois ont commencé à boire de ce nectar, ils ont simplement préféré le boire pur. Offusquant, de fait, les Grecs et Romains qui les observaient. Traités de soulards et d'ivrognes, c'est cette tradition qui a contribué à faire la réputation qu'on leur connaît. Ils sont vraiment fous ces Gaulois…


L'habit ne fait pas le moine...

C’est au Moyen Âge que la bière va véritablement rencontrer le succès, avec le credo "Liquida non frangunt jeunum", "La nourriture liquide n'interrompt pas le jeûne". En effet, les moines ont un rôle fondateur dans l’histoire de la bière, particulièrement en Europe. Isabelle Jonveaux, sociologue des religions et chercheuse à l'université de Graz en Autriche, raconte au micro de Xavier Mauduit dans le Cours de l'histoire, que ce sont les moines qui ont contribué à de nombreuses innovations scientifiques et gustatives en termes de bière. D'ailleurs, aujourd’hui encore, aux rayons des supermarchés l'image du moine et l'image monastique est restée sur les étiquettes de bières comme gage de qualité et de tradition.

"Les moines sont les premiers à avoir produit de la bière à niveau industriel. Ce sont aussi ceux qui ont utilisé le houblon et ce, de manière systématique." Isabelle Jonveaux

Les monastères médiévaux étaient en fait soumis à la règle de saint Benoît imposant de facto aux moines une ration de vin quotidienne. La raison en était pragmatique : puisque l'eau n'était pas potable, mieux valait faire du vin la boisson de table officielle. Un vin que produisaient les moines avec leurs propres vignes. Mais dans certaines régions peu ensoleillées, notamment dans le nord de l'Europe, les moines ont eu l'autorisation de remplacer le vin par… la bière.

Charlemagne, roi des Francs de 768 à 814, souhaitait favoriser la viticulture à l’instar de la production brassicole. Pour y parvenir, il accorda aux moines brasseurs de nombreux privilèges dans une partie de son empire. Les moines vont ainsi délaisser les amphores et tonneaux utilisés jusque-là dans la conservation de la bière, au profit de la basse fermentation à partir de levures. À cela, ils ajoutent à la recette l’utilisation du houblon, désormais connu pour ses vertus aseptisantes et conservatrices. Petit à petit, ce savoir-faire monastique va se transformer en rouage économique. Institutions stables, les monastères consignent les recettes dans des écrits permettant de transmettre les techniques au fil des siècles... et jusqu'à aujourd'hui.

Loin de répondre aux seuls besoins de la communauté ecclésiastique, les surplus de production engendraient une source de revenus non négligeable pour l’Église. Ce succès brassicole a permis la formation de guildes (des associations de personnes pratiquant des activités marchandes similaires), faisant naître un certain corporatisme au sein de la société médiévale.

"A la base, la bière était l'idée d'une boisson pour la subsistance, pour la consommation directe de la communauté. Et c'est au fur et à mesure que les moines ont développé cette activité véritablement comme économie." Isabelle Jonveaux

Mais le succès de la bière ne s’arrête pas là. Il faut attendre la période contemporaine, c’est-à-dire la fin du XIXe - début du XXe siècle, pour accroître davantage sa production et voir naître son industrialisation.


Une révolution gustative et industrielle

La révolution industrielle engendre de nombreuses évolutions dans la production de la bière. De James Watt et sa machine à vapeur à Emil Christian Hansen, scientifique spécialisé dans les levures, en passant par Louis Pasteur et son procédé d’augmentation de température, la "pasteurisation" (qui consiste à supprimer les germes indésirables dans la boisson), la bière connaît de nouvelles techniques de fabrication. A cela s'ajoute la création d’outils scientifiques beaucoup plus précis, comme le thermomètre de Réaumur, ou encore l’hydromètre, qui sert désormais à mesurer la densité des liquides (T.Almeroth-Williams, Urban History, Cambridge University Press, 2013). Le cumul de ces facteurs a permis d’obtenir une bière plus saine et plus équilibrée. Le développement du chemin de fer, quant à lui, la rendra célèbre par-delà les frontières en permettant son exportation. Et c'est ainsi que la bière est arrivée jusqu'à nous !

D'amour et d'eau fraîche !

Synonyme de convivialité et composée à 90% d'eau, on pourrait être tenté par la fraîcheur de cette boisson pétillante après un coup de chaud. Mais encore faut-il rappeler que la bière contient de l'alcool qui a une propriété diurétique. La consommation d'alcool diminue le taux de vasopressine, cette hormone qui aide les reins à retenir l'eau produite dans le corps. En conséquence, le corps perd de l’eau après avoir bu de l'alcool.

Il semblerait pourtant que dans certains cas, la bière puisse hydrater au même titre que l’eau. Selon une récente étude publiée en 2022 par The American Journal of Clinical Nutrition, une bière faiblement alcoolisée, ne dépassant pas les 4% d’éthanol, avec un fort taux en houblon et une faible teneur en sucre, permettrait une hydratation maximale de l'organisme. L’effet diurétique est, dans ce cas précis, compensé par les sucres et les sels minéraux qui viennent retenir l’eau dans le corps. Telle est la recette idéale en cas de canicule. Comme quoi la bière, c'est vraiment toute une histoire...



Et si William Shakespeare affirmait qu’une pinte de bière est un mets de roi, alors pas de pression, mais n’oubliez pas de la consommer avec modération !



Vendredi 17 juin 2022, les articles de presse rassemblés et relayés par Patrice LEVANNIER




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