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La croissance des microbrasseries

La croissance des microbrasseries va-t-elle retomber?

Terre de bière, la région brille aussi par la croissance du nombre de petites brasseries. Diffusion très locale ou volumes plus conséquents ? Le modèle économique de ces entreprises est en train d’évoluer.


D’ici novembre, Éric Delbeke ouvrira une microbrasserie Le Goulot à Wimereux. Une nouvelle après Roubaix et avant Marquette-lez-Lille, Arras, La Madeleine… L’expansion de ces petites brasseries, il n’en voit pas la fin. « Il n’y a aucune raison pour que cela freine », prédit Olivier Faure d’Expertise Bière Conseil à Lille. « C’est positif. Plus on est nombreux, plus on parle de la bière », se réjouit Vincent Bogaert, à la tête de Page 24 et du Syndicat des brasseurs du Nord. « Les microbrasseries, jusqu’aux années 90-2000, ça n’existait pas », rappelle Pierre Marchica, patron de 3 Monts et président des Brasseurs des Hauts-de-France. Au côté des industriels, on ne comptait plus dans la région que quelques indépendants : 3 Monts, Castelain, Choulette, Jeanlain… Depuis, renouant avec une tradition régionale, profitant d’un regain d’attrait pour la bière et d’un engouement pour les produits locaux, les petites structures, produisant quelques centaines d’hectolitres par an, se sont multipliées : 200 en 2020 dans les Hauts-de-France (9 % de plus que l’année précédente).

« Est-ce qu’on a atteint le maximum ? », s’interroge Pierre Marchica. « La demande ne faiblit pas et il y a la place pour de nouveaux acteurs », insiste Vincent Bogaert. Toutefois, « dans certaines zones comme la métropole lilloise, il y a beaucoup de concurrence avec une offre un peu pléthorique et il commence à y avoir une sélection à l’entrée des points de vente », analyse Daniel Thiriez, brasseur à Esquelbecq et responsable régional du Syndicat des brasseurs indépendants. « Toutes les semaines il y a de nouveaux produits », constate Laurent Pecqueur, directeur général de Sodiboissons à Lens. Cela bouscule les gros « mais je reproche à certains de partir sur des produits trop originaux. Ils se font plaisir mais ils ne se concentrent pas sur ce qui fait 90 % des ventes et qui risque de se retrouver en rupture. »

Viabilité ?


Se différencier ou se focaliser sur un nombre réduit de références ? « Il faut continuer à investir, innover », insiste Vincent Bogaert : sortir du carcan bière blonde, blanche et ambrée et emprunter des voies plus surprenantes. Mais au côté de la capacité du marché à digérer la diversité, c’est la viabilité économique de ces entreprises qui est en question. « Beaucoup de brasseurs ne se versent même pas un SMIC pour un métier très complet : il faut produire, conditionner, livrer, gérer, faire des salons, le marketing… », concède Vincent Bogaert. « Il y a aura des arrêts, prédit Daniel Thiriez. Pas forcément des faillites mais des brasseurs qui s’épuisent à gagner à peine car ils n’ont pas réussi à grandir. »

Aujourd’hui, en dessous de 350 hectolitres par an, la rentabilité semble inatteignable, sauf à vendre sur place à la pression (avec un prix de vente supérieur) dans des « taprooms » ou auprès des cafés et restaurants, ce qui implique d’investir dans des fûts. Le modèle économique change et « pour les nouveaux arrivants, cela devient plus compliqué », observe Pierre Marchica. Dans le passé, un brasseur pouvait se lancer avec un budget de 30 à 40 000 euros en. Aujourd’hui, avec la hausse du prix des machines et nécessité de viser plus gros, le ticket d’entrée avoisine les 200 000 euros. « Il va falloir plus de talent, plus de ténacité, plus de stabilité du goût pour fidéliser », prédit-il. Mais, « on a rendu la bière incontournable ».

La croissance se poursuit en grande surface

Daniel Thiriez, avec sa brasserie d’Esquelbecq et ses huit salariés, l’assure : « Je n’ai pas besoin d’aller en grande surface. » Mais pour rendre la diffusion de leur production plus large, pour dépasser la distribution directe, le passage par les supermarchés s’impose. « Dans les rayons, après des croissances à deux chiffres, la tendance est molle, voire au retrait », estime Pierre Marchica, patron de 3 Monts et président des Brasseurs des Hauts-de-France. Ce n’est pas le ressenti d’Olivier Faure d’Expertise Bière Conseil, qui voit les bières « prendre la place sur le vin et les jus de fruits. » Vérification auprès d’Éric Zanuttini, responsable de l’offre spiritueux, bières et cidres chez Auchan Retail : « Cela continue à se développer. » Dans un magasin comme celui d’Englos, sur 700 références du secteur « cave à bières », les brasseries régionales et les microbrasseries représentent un tiers de l’offre : celles qui ont une capacité à livrer un département en totalité et de plus petites, dont la distribution se fait en direct auprès de deux ou trois magasins. « C’est une relation de confiance qui se noue entre le chef de rayon et le brasseur », décrit-il. Un contact qui va parfois amener la brasserie à faire évoluer ses produits, mais par forcément vers des spécialités trop pointues. « Avant d’avoir une bière à la châtaigne, on leur dit d’abord de faire une bonne blonde. » Pas d’uniformisation pour autant. L’ancrage local est un déclencheur d’attrait pour le client et le brasseur « peut jouer sur le côté floral, fruité, sur la pétillance ». Dans un contexte où « la bière est supérieure au vin dans les préférences des Français pour les boissons alcoolisées », la recherche de produits plus « premium », les produits des microbrasseries ont leur place.

Une équation délicate

C’est un secteur qui n’échappe pas aux hausses de prix. Pour produire de la bière, il faut de la chaleur et du froid. Donc du gaz, de l’électricité, dont l’augmentation des prix pèse et pèsera sur la rentabilité de ces structures. Quant au malt d’orge, « on devrait connaître d’ici trois semaines les tendances sur les tarifs » mais les cours « ont déjà doublé entre fin 2021 et maintenant. La tonne de malt qu’on touchait à 500 euros, elle est à 1000 », calcule Daniel Thiriez, président du Syndicat des brasseurs indépendants, sachant que les malteries seront tentées de vendre au plus offrant. Avec le prix du verre pour les bouteilles « qui a augmenté de 20 à 40 % avec des surcharges à chaque facture », les salaires qui grimpent, l’équation commence à devenir délicate.


27 septembre 2022, les articles de presse rassemblés et relayés par Patrice LEVANNIER



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